Le survivaliste
"Quand le bateau est en train de couler, ce n'est pas aux responsables du naufrage qu'il faut damnder de l'aide. Chacun doit se débrouiller tout seul."
C'est un "survivalist" qui parle. Méfiant, farouchement anonyme, paranoïaque à l'os, persuadé de l'imminence d' une guerre apocalyptique et convaincu qu'il doit, qu'il peut et qu'il va coûte que coûte passer au travers. Et survivre. Comment? "J'ai un abri, des provision, des munitions, quelques amis."
Qui veut la paixprépare la guerre. Qui veut la guerre en fait autant. Fréquentez les "gun shows" et les stands de tir, vous y rencontrerez des survivalistes. Beaucoup d'entre eux ont été ou sont encore militaires ou policiers.
Selon un sondage effectué par le Survival Guide auprès de ses lecteurs. les survivalistes possèdent en moyenne neuf armes à feu chacun. Le tiers est constitué en petits groupes très fermés, homogènes, autonomes. Pas question de dire à qui que ce soit où se trouvent l'abri et les provisions du groupe. Pour prendre contact, il faut s'inscrire sous un nom de code au "Survivalist Directory" et attendre qu'on vous fasse signe. Suivra un échange de lettres. Anonymes. Et, si ça clique, les correspondats prennent contact et froment un groupe, construisent un abri, etc.
"Nous ne demandons rien aux autorités", me dit un jeune homme à cheveux ras rencontré un dimanche de novembre dans une exposition d'armes à Westmount. "Nous ne voulons pas de subventions. Et encore moins d'attention." Les cuvivalistes n'aiment pas qu'on s'intéresse à eux. A tort ou à raison, ils s'imaginent que le FBI et la GRC posent sur eux des regards supicieux. A tort ou à raison, ils se disent qu'ils n'ont rien à craindre de ce coté-là. "Nous sommes désunis. C'est notre force."
Il y a en fait autant de sortes de survivalistes qu'il y a de groupes: religieux, granolas, guerriers, racistes, etc. Tous cependant partagent l'inébranlable certitude qu'un grave danger (physisque ou moral) menace l'humanité: guerre nucléaire, bactériologique, civile ou raciale, catastrophe, cataclysme naturel ou industriel, fléau de Dieu, invasion martienne, krach économique, etc.
Peureux, les survivalistes? "Pas du tout. Nous sommes armés."
Pessimistes? "Pas de raison. Nous allons survivre."
Il y a, au Square Décarie, à Montréal, un magasin sèchement baptisé "Les Aliments séchés à froid du Québec et centre de survie". Le quart de la clientèle est faite de survivalistes. Le patron, Bob Preston, un homme volubile et affairé, vante sans vergogne les vertus alimentaires et économiques (en toutes circonstances) des aliments séchés à froid, "life insurance you can eat".
Chose certaine, il y a déjà dans la région de Montréal plusieurs dizaines de dépôts secrets importants d'aliments séchées à froid, bien à l'abri pour des siècles et des siècles. Vingt ans après le Jugement dernier, quand la couche d'ozone se sera reformée au-dessus de ce qu'était Montréal, le pays sera à nouveau livré aux aventuriers et aux pionniers. Certains pratiqueront un métier très lucratif: prospecteur d'aliments séchés au froid.
D'après "Le survivaliste"
Georges-Hébert Germain
L'Actualité, février 1983
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