dimanche 10 janvier 2010

Texte: La Madeleine de Proust

Accablé (Oprimido) par la morne (triste) journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir (amolecer) un morceau de madeleine. Mais à l'instant, même où la gorgée, mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis (assustei), attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissait d'une essence précieuse. D'où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment....

Et tout d'un coup (etudAncu) le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray, quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempré dans son infusion de thé ou de tilleul (tipo de cha). La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé; les formes s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur êut permis de rejoindre la conscience...

Dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux) , aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était ma chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon donnant sur le jardin, qu'on avait contruit pour mes parents, et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu'au soir et par tous les temps, la Place où on m'envoyait avant déjeuner, les rues où j'allais faire les courses, les chemins qu'on prenait si le temps était beau...


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